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Reportage de voyage

Tel-Aviv, la ville du Bauhaus

Né en Allemagne, le Bauhaus souffle cette année sa centième bougie. Un mouvement n'ayant rien perdu de son caractère visionnaire. Tel Aviv doit à sa «ville blanche» et aux milliers de bâtiments construits dans le style moderniste son inscription au patrimoine mondial par l’Unesco.

la place Dizengoff

En 1919 à Weimar, au centre de l'Allemagne, l'architecte Walter Gropius est nommé directeur d'une école d'art. Il la renomme Bauhaus. Ce nom deviendra bientôt celui d'un véritable mouvement avant-gardiste, ayant pour volonté d'unir art et technique, d'inventer une autre manière de se loger et de vivre.

Le voilà vite rejoint par une poignée d'architectes et de designers, de photographes et de peintres, tous convaincus de l'importance de mettre de l'art dans les objets du quotidien, de proposer au plus grand nombre un habitat plus fonctionnel et esthétique, aux formes sobres et minimalistes.

Associé au «bolchévisme culturel», le Bauhaus est fermé par les nazis en 1933. Les grands maîtres du mouvement quittent pour la plupart l'Allemagne pour les États-Unis. Une poignée d'élèves décident d'immigrer à Tel Aviv et vont la métamorphoser.

En 1909, des parcelles d'un faubourg de Jaffa sont attribuées par tirage au sort. Huit ans plus tard, la déclaration Balfour envisage la création d'un foyer juif dans la future Israël. S'en suit une vague migratoire. Mais le nombre de logements apparaît vite insuffisant à Jaffa, la porte d'entrée en Palestine. Le quartier résidentiel de Tel Aviv devient ville à partir entière en 1921. Les arrivées se multiplient dès 1924, en provenance d'Allemagne, de Pologne, de Russie...

Institut Français

Sous le mandat britannique, Tel Aviv devient rapidement le plus grand centre économique et urbain de Palestine. Elle est aménagée (1925-27) selon les plans de l'urbaniste humaniste écossais Sir Patrick Geddes, également sociologue et biologiste. Celui qui fut l'un des pères de l'«écologie de la ville» dévoile alors son concept de cité jardin, dessine des îlots résidentiels occupant au maximum la moitié du sol.

Le modernisme va permettre à Tel Aviv de se forger une identité. Aux premières années de sa création, les constructions mélangent les styles orientaux et européens, flanquées de dômes byzantins, de colonnes romaines, d'arches mauresques.

En 1929, l’ingénieur en chef Schiffman, chargé du développement de la ville, décide de ne plus donner un seul permis de construire pour ces demeures de «style éclectique». C'est décidé, Tel Aviv sera la ville du «style international». C'est dans son centre historique renommé bien plus tard «ville blanche», soit les quartiers de Dizengoff, Rotschild et Bialik, que sont construits la plupart des nouveaux immeubles, dans les années 1930.

Parmi ses bâtiments emblématiques se trouve l'Engel House, construite en 1933 par Ze'ev Rechter. Cet émule du Corbusier a étudié en France. L'influence de l'architecte suisse se retrouve dans l'application de ses cinq points : les pilotis, le toit-terrasse, le plan libre, la fenêtre en bandeau, et la façade libre. Importante différence, elle concerne cette fois des immeubles à taille humaine érigés dans un cadre urbain, et non des villas de banlieues chics comme le concevait alors Le Corbusier.

Le choix des pilotis est essentiel : les rez-de-chaussée sont libérés, des jardins sont créés sous les immeubles, les rues et lieux d'habitation sont ventilés aux quatre vents (marins), une bénédiction pour des migrants venant d'Europe et craignant fortement la chaleur. De plus, la taille plus modeste des fenêtres réduit lumière et chaleur.

Les balcons et terrasses sont conçus eux aussi pour tenir compte du climat. Autre conséquence dans le choix des pilotis : l'absence de commerces en rez-de-chaussée, ce qui atténue la notion de ville. Le modernisme se traduit également dans l'aménagement des appartements, très fonctionnel. Les plans libres sont conçus sans murs porteurs et apportent souplesse dans l'agencement intérieur.

On parle de Bauhaus pour Tel Aviv. Mais ce «Bauhaus vernaculaire» est plutôt l'agrégation de différents styles modernistes. Aux influences des architectes Mallet-Stevens et Le Corbusier s'ajoutent celles de différents mouvements, De Stijl, Arts Déco, expressionniste (Erich Mendelsohn)... Il sera bientôt possible d'appréhender ces différentes tendances architecturales européennes en visitant le White City Center. Ce musée dédié au Bauhaus ouvrira au public cette année, une fois terminée le programme de rénovation de la Maison Max-Liebling construite en 1936 par l'architecte Dov Karmi.

Le courant moderniste a aussi trouvé sa continuité dans le travail d'artistes tel le plasticien Yaacov Agam, figure emblématique de l’art cinétique consistant à faire du mouvement partie intégrante des œuvres. Sa fontaine de la place Dizengoff est l'un des monuments majeurs de Tel Aviv.

La ville compte aujourd'hui 430 000 habitants, son district trois fois plus. La seconde moitié du vingtième siècle a été celle de la densification. La «ville blanche» a été encerclée par des immeubles de grande hauteur. Les «Bauhaus» ont été négligés pendant longtemps, avec leurs murs décrépis percés par les ventilateurs d'air conditionné, les pilotis des rez-de-chaussée disparaissant dans des murs de parpaing.

Il y a un quart de siècle, beaucoup à Tel Aviv voulaient leur destruction. Le changement est net depuis la conférence Bauhaus de 1994, et surtout depuis l'inscription de la «ville blanche» au patrimoine mondial de l'Unesco neuf ans plus tard. Le classement concerne plus d'un millier parmi les 4 000 bâtiments de style international de la ville.

Une solution originale a contribué à la sauvegarde de plus de cinq cent immeubles : la possibilité de créer un ou deux étages supplémentaires sur le toit, en échange de leur rénovation. La mesure ne concerne pas les 180 bâtiments considérés comme chefs-d’œuvre. Dans le même temps, la détérioration des autres maisons se poursuit. Le sauvetage de la «ville blanche» est une course d'endurance.

© oopartir.com – 2019 - texte Vincent de Monicault - photos Robert Brands, Valerie Vanheygen et Dana Friedlander/IMOT



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