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Reportage de voyage

Plongée : Dominique Sérafini, l'amoureux des épaves

Dominique Sérafini, grand amateur de plongée sous-marine et ancien dessinateur des bandes dessinées de Cousteau, continue à peindre les plus belles épaves des Caraïbes. Entretien.

© GR

Dominique Sérafini, dessinateur des bandes dessinées de Cousteau, amoureux de la mer, vit sur son catamaran Blue Manta, dans le sud des Caraïbes, entre Bonaire et Curaçao. Le peintre des épaves, comme on peut le voir sur ses sites www.lagaleriedeneptune.fr et surtout www.dreamwrecks.com, une véritable galerie de peintures sous marines avec les plus belles épaves qu'il connaisse, nous parle de son métier, de Jacques Yves Cousteau, des conséquences parfois néfastes du tourisme subaquatique... Entretien.

Dominique Serafini: Je fais partie de la génération des plongeurs qui ont découvert la mer à travers le Monde du Silence, le célèbre film de l'équipe Cousteau. A cette époque, vers 1956, j'avais 10 ans et les images des plongeurs évoluant librement parmi les coraux de la mer Rouge m'ont fasciné. La plongée sportive n'était pas encore développée, il existait peu de clubs, le matériel était rare et très cher. J'étais pourtant convaincu que mon avenir se déroulerait sur et sous la mer.

Cette passion me faisait négliger mes études. Je couvrais mes cahiers scolaires de croquis de poissons, de plongeurs et de jolies sirènes. Une seule revue française de plongée existait, Aventure sous-marine. Je dévorais les articles et découpais les photos. Un jour je suis allé présenter quelques esquisses et croquis de plongeurs au rédacteur Albert Foex, avec l'espoir de publier une petite bandes dessinée. L'idée et les dessins lui plurent et il me conseilla de profiter d'une conférence de Cousteau à Paris pour lui présenter mon travail.

© OT Bahamas

GR: Parlez-nous de votre rencontre avec Jacques-Yves Cousteau?

D.S: Le commandant Cousteau présentait un film à l'institut océanographique. L'ami Foex, à l'issu de la conférence, me présenta à l'homme que j'admirai le plus. Très impressionné, je l'observai pendant qu'il feuilletait mes croquis. Apres avoir refermé mon carton à dessin il me fixa en souriant et me dis simplement: "Intéressant. Continuez. Nous verrons ça plus tard". J'avais 15 ans.

De retour à la maison j'annonçai tranquillement à mes parents que j'allai embarquer prochainement sur la Calypso. Mon père me conseilla de terminer d'abord mes études. Vingt ans plus tard, le projet s'est concrétisé en Martinique lorsque par hasard Calypso est venu jeter l'ancre à Saint Pierre devant ma maison.

GR: Vous voilà alors à bord de la Calypso…

D.S: J'ai terminé mes études artistiques aux Beaux arts à Paris en mai 1968... Au sein de l'équipe Cousteau, j'ai retrouvé l'enthousiasme de cette époque. Cette période de ma vie a renforcé encore mon goût pour l'aventure permanente, ma passion pour la mer et la plongée.

La mort de Cousteau a interrompu mon travail dans l'équipe. Mais je suis resté fidèle à son esprit. Il m'a ouvert les portes bleues de la mer. Cousteau avait désiré créer cette collection pour communiquer avec les jeunes plus facilement et leur donner l'envie d'approcher les êtres marins d'une façon intelligente.

J'espère que ma vingtaine d'albums de bandes dessinées ont donné aux enfants des informations scientifiques claires, sous une forme agréable, afin surtout de les aider à ne pas voir les êtres marins comme des monstres sanguinaires, à aller bien au delà de la caricature du méchant requin des Dents de la mer.

© OT Bahamas

GR: Vous avez voué votre vie aux épaves?

D.S: Sous la surface les navires entament une seconde vie. La mer est une sorte de paradis pour les bateaux naufragés. Les lourds cargos, les grands voiliers, les bâtiments de guerre, les chalutiers sont repeints, transfigurés par la vie marine. Les épaves constituent aussi des récifs artificiels qui fixent la vie marine et deviennent un atout économique pour la pêche et le tourisme.

Dans la plupart des zones favorables à la plongée touristique, des nouvelles épaves sont coulées. Elles n'ont pas le charme des épaves classiques. Il faut plus de 50 ans pour transformer les ferrailles d'un cargo en jardin corallien. Les véritables épaves historiques constituent un trésor touristique pour les centres de plongée. Et il suffit de voir l'affluence des plongeurs sur l'épave du Thistlegorm, en mer Rouge, ou celles du Donator et du Rubis en Méditerranée pour comprendre l'attrait des épaves profondes.

GR: Le tourisme peut aussi avoir des conséquences néfastes?

D.S: En effet, les ancres des bateaux de plongée brisent les mats arrachent les coraux, les amateurs de souvenirs prélèvent les hublots, les lampes. Sur un avion, ce sont les pales d'hélices, la mitrailleuse, le tableau de bord qui disparaissent, pour terminer dans un salon ou un jardin, à côté des gorgones, éponges, nacres. Au fil des années la belle épave perd ses ornements.
L'an dernier le Donator a perdu son mat. Récemment, des amis m'ont fait visiter des épaves profondes peu connues… et m'ont demandé de ne pas donner leurs positions.

Je suis par ailleurs très réservé sur les nouvelles attractions sous-marines pour les touristes, des sites complètement artificiels où l'on construit des temples sous-marins ou des asterixland sous la mer.

GR: Comment se déroule la vie quotidienne de Dominique Serafini ?

D.S: Je vis sur Blue Manta, un vieux catamaran hawaiien. A bord je ballade mes pinceaux au gré des vents, dans la mer des Caraïbes, à la recherche de nouvelles épaves. Nous plongeons pour filmer et photographier les détails des épaves, ensuite à bord je réalise des peintures présentant l'épave dans son ensemble - une vision globale impossible à réaliser en photo.

© GR

GR: Pourquoi naviguez vous plus particulièrement dans les eaux de Curaçao et Aruba ?

D.S: Le sud des Antilles est une zone très riche en épaves et les conditions de navigation et de plongée sont exceptionnelles. L'île de Bonaire en particulier recèle une épave superbe, le Windjammer, un grand trois mats écossais coulé au pied d'un tombant corallien trop profond pour les touristes plongeurs américains.

GR: Comment jugez-vous l'état du monde marin et celui des épaves aujourd'hui?

DS: Voici 50 ans que les pionniers de la plongée européenne ont donné leurs premiers coups de palmes en Méditerranée. Ils ont découvert un monde encore vierge et ils se sont comporté en colonisateurs. Ils ont harponné des mérous confiants, coupé les coraux, pillé les épaves antiques.

La mer et ses habitants ont souffert de l'intrusion des hommes dans leur domaine. Les grands poissons qui venaient se reproduire près du rivage ont failli disparaître. Grâce aux efforts de quelques rares visionnaires, des sanctuaires et des parcs naturels ont été créés. Mais ces zones protégées sont limitées et soumises aux pressions extérieures.

GR: La sensibilisation à l'écologie est probablement une chance?

D.S: L'écologie est un luxe de privilégiés au ventre plein. Un pêcheur pauvre ne filme pas un mérou; il veut le manger. Ecologie ne rime bien qu'avec le mot économie. A Bonaire, où un parc marin existe depuis 20 ans, les touristes plongeurs ne tuent pas les poissons mais… ils les mangent au restaurant. J'espère que mes enfants pourront à leur tour profiter du bonheur de se glisser dans l'eau cristalline, croiser le regard d'un dauphin libre et découvrir une épave vierge.

© oopartir - 2008 - Propos recueillis par Michel Belenet

© OT Bahamas

PLUS BELLES EPAVES : D'ABORD LA MICRONESIE
Ce n'est pas le moindre des paradoxes au regard de leurs beautés, les épaves sont surtout les héritières des guerres. Et s'il faut cinquante pour transformer les ferrailles d'un croiseur en jardin corallien, les épaves de la seconde guerre mondiale sont aujourd'hui des eden pour les plongeurs.

En Micronésie, on signalera les belles épaves situées dans les fonds de l'île de Palau ; l'atoll de Bikini abrite également des bâtiments de guerre américains et japonais, à commencer par le porte avion USS Saratoga ; des épaves de cargos japonais se visitent également dans les îles Marshall.

Sur l'île de Palawan, au nord-ouest des Philippines par exemple, on trouve 34 épaves datant de cette époque, la plupart à proximité de Coron. A Bali en Indonésie, l'épave de l'USS Liberty à Tulamben, situé à deux pas de plage, se laisse même admirer avec masque et tuba. En Papouasie Nouvelle-Guinée, au large de l'île Lissenung (région de Kavieng), on plonge voir des épaves d'avions dont un B25 américain. Au Vanuatu, au large de l'île de Santo, se visite le prestigieux paquebot President Coolidge. A signaler également, en Nouvelle-Calédonie, l'épave de la Dieppoise sur l'îlot Amédée.

 

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