Buzz Aldrin, le deuxième homme à avoir marché sur la lune, et Valeri Polyakov, le détenteur du record absolu de vie dans l'espace, confient leurs visions de l'avenir du tourisme spatial.
Valeri Polyakov
Edwin "Buzz" Aldrin est le deuxième homme à avoir marché sur la lune, quelques minutes après Neil Amstrong, le 20 juillet 1969. L'ex-astronaute s'investit aujourd'hui dans le tourisme spatial. Il dirige la fondation Share Space, dont l'objectif est la promotion et le développement de projets de tourisme spatial. Buzz Aldrin s'est associé à d'autres projets, dont l'un milite pour l'envoi de véhicules sur la Lune, pilotés depuis un parc d'attraction terrestre. Il est également le promoteur de Bigelow Aerospace, un projet d'hôtel dans l’espace qui pourrait accueillir une centaine de clients.
Valeri Vladimirovitch Poliakov est revenu sur terre le 26 mars 1995... après avoir passé 442 jours en orbite autour de la terre à bord de la station Mir. L'ex-cosmonaute aura ainsi réalisé deux séjours de 10 et 14 mois, établissant ainsi le record absolu d'endurance dans l'espace. Aujourd'hui, il œuvre à la promotion d'un avion orbital capable de se satelliser autour de la Terre et de transporter une vingtaine de touristes.
Aujourd'hui des millairdaires payent très cher pour aller passer quelques jours dans la station spatiale internationale (ISS). Que pensez-vous du tourisme spatial?Buzz Aldrin: Depuis plus de dix ans, je suis un supporter convaincu du tourisme spatial. Je crois à son succès à court terme. On emmène déjà des passagers dans le Soyouz. Nous devrions transporter aussi des passagers dans la navette. Les gens veulent de l'aventure. Certains veulent aller au pôle nord, d'autres voler en Concorde. Pour ma part, l'aventure récemment c'était d'aller voir l'épave du Titanic.
Valeri Polyakov: Le tourisme spatial devient une réalité, même si seuls des millionnaires comme Dennis Tito peuvent pour l'instant s'offrir un voyage dans l'espace.
Buzz Aldrin
Croyez-vous au développement du tourisme spatial à plus ou moins brève échéance?
BA: On peut s'attendre à un développement à plus grande échelle des activités commerciales privées liées au tourisme spatial, à des fins évidemment lucratives. Mais ce développement doit en effet être encouragé par le gouvernement.
VP : Les gouvernements de certains Etats devraient aussi permettre à des étudiants de poursuivre leur travail dans l'espace, voire à des animateurs vedette de la télévision et autres journalistes de rapporter au public leurs expériences spatiales.
Vous participez déjà activement au développement du tourisme spatial ?
BA: J'ai créé une fondation, baptisée Share Space Fondation, dont l'objectif est de promouvoir le tourisme spatial, et notamment des idées innovantes telles que des loteries permettant de sélectionner des gens qui partiraient dans l'espace. Le tourisme spatial est très cher, les places sont rares. Certaines d'entre-elles pourraient être proposés à un plus grand nombre.
VP: Pour ma part, je travaille depuis plusieurs mois sur un site internet qui présentera ce projet d'avion orbital, baptisé "orbital plane". Nous exploiterions nos connaissances acquises avec Bouran (la navette russe, ndr). Ces avions orbitaux pourraient compter une vingtaine de sièges pour les touristes. Ces appareils feraient deux ou trois fois le tour de la Terre avant de se poser. Bien sûr, ils existent d'autres projets. Au Bourget par exemple, on a aussi pu découvrir il y a deux ans une mini-navette (Proteus, ndr) destinée notamment au tourisme spatial.
A quelle échéance pourrait-on voir voler cet avion orbital?
VP : Si plusieurs sponsors investissaient dans ce projet très intéressant, iI pourrait exister dans moins de dix ans. Le marché existe aussi en Russie, même si les problèmes économiques actuels retarderont sûrement cette expérience. Un groupe de journalistes a déjà obtenu son certificat de vol spatial, ainsi que deux stars du show business.
La station ISS
Le touriste spatial pourra-t-il physiquement supporter de longs séjours dans l'espace ?VP: Je suis resté quinze mois dans l'espace et je me sens bien aujourd'hui. Il est vrai que je suis médecin et que je sais comment entretenir ma forme. Certains exercices permettent d'anticiper les problèmes susceptibles d'être rencontrés à bord des vaisseaux. Un fois à bord, nous subissons un entraînement physique intensif pendant toute la durée de la mission, deux heures par jour, dont une heure à vélo. II faut en permanence maintenir en bon état les muscles, les os, le cœur, les vaisseaux, le cerveau. L'objectif, c'est la planète Mars.
L'espace est-il le dernier endroit qu'il nous reste à conquérir?VP: Je le pense. La prochaine grande aventure sera celle des vols habités vers Mars. Je pense qu'elle sera réalisé dans les 15 à 20 prochaines années. Cette aventure est liée à un travail de longue haleine, celui de développer le vol de longue durée.
BA: Pour ma part, je ne pense pas. Tant qu'il y aura des gens, des environnements géographiques exceptionnels et des nouvelles machines, on aura toujours des défis étonnants à réaliser sur Terre. Sur le plan scientifique, je pense que la micro-particule sous-atomique et la particule d'ADN n'ont pas dévoilées tout leur mystère. Mais elles n'auront pas la même dimension que dans le domaine de la conquête spatiale. L'espace temps et les distances dans l'univers sont gigantesques.
Aujourd'hui, nous nous sentons en sécurité sur Terre. La technologie et nos connaissances nous permettent pourtant d'envisager d'aller sur d'autres planètes, et le cas échéant de répondre à une menace de destruction de la civilisation. Il serait dommage de disparaître alors que nous pourrions créer un lieu de vie extraterrestre. Aujourd'hui, en tant que société évoluée, nous devons nous poser des questions sur l'état de notre évolution. Nous nous querellons et nous nous battons beaucoup aujourd'hui. Tôt au tard, il nous faudra protéger la vie. Nous le devons aux générations futures.
Le projet EADS Astrium
Comment va évoluer le domaine spatial ?BA: Les bonds majeurs, souvent, donnent des résultats décevants. On doit donc s'attendre à une évolution graduelle, une amélioration progressive. Les boosters et les premiers étages des fusées doivent devenir réutilisables, à l'instar des stations orbitales (
Buzz Aldrin dirige la société Starcraft Boosters, spécialisée dans la conception de propulseurs et de véhicules spatiaux réutilisables, ndl). Nous avons besoin de très grosses fusées qui assemblent les habitacles et les réservoirs. Par ailleurs, on pourrait travailler dès à présent sur des habitacles pour une centaine de personnes à la fois.
Regrettez-vous le peu de temps que vous avez passé sur la lune ?BA: J'ai passé assez de temps pour pouvoir considérer ma mission comme réussie. Les autres visites lunaires en ont été largement facilitées. Les missions suivantes ont fait beaucoup plus de travail scientifique.
Avec les outils de télécommunication d'aujourd'hui la perception de la lune serait-elle la même?BA: On avait déjà de belles images de la lune avant d'y aller, même s'il restait quelques incertitudes. Aujourd'hui, on a déjà de bonnes images de Mars, et avant même d'y aller nous aurons de meilleures images encore.
On dit que certaines images de la lune ont été truquées… BA: Ce n'est pas mon rôle de réfuter toutes les thèses absurdes qui circulent aujourd'hui sur notre mission. Certaines personnes veulent se faire remarquer. IIs avancent des choses sans en apporter la moindre preuve. C'est pareil pour les OVNI: tout le monde en voit et personne n'apporte jamais aucune preuve irréfutable.
En savoir plusVous pouvez consulter le site officiel de
Buzz Aldrin.
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