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Philippe Mélul, un tour du monde sur les rails

Philippe Mélul a réalisé son rêve: prendre une année sabbatique et découvrir une trentaine de pays et les cinq continents à bord d’une centaine de trains. Interview.

Philippe Mélul, aujourd'hui responsable d'une agence de voyages spécialisée sur l'Amérique latine, a attrapé très tôt le virus du train. Etudiant en école de commerce, ce lensois vend déjà des billets de train à ses camarades de promotion. L’été, il utilise au maximum sa carte interrail. Il entre presque naturellement à la SNCF. Directeur des ventes à Chambéry, il décide de prendre une année sabbatique et réalise son rêve : un tour du monde en train.

Il parcourt 62 000 km sur les rails, un voyage à bord de 101 trains, à la découverte d’une trentaine de pays sur les cinq continents. Un livre "le Tour du Monde en Train" relate ce périple ferroviaire à bord des trains les plus prestigieux (Transsibérien, Orient-Express, Indian Pacific) et les plus insolites (train du Négus, Nariz del Diablo). Avec, en prime, un coup de foudre au bout du monde, avec une argentine, Elena. Installés ensemble à Annecy, ils organisent désormais des voyages vers l'Argentine.


Pour préparer ce périple, vous êtes d’abord parti à Londres y chercher le Thomas Cook, la bible des horaires de train…

Philippe Mélul : Pour voyager en train il est primordial de connaître les horaires. Ma première démarche, c’est de localiser les voies ferrées, puis celles sur lesquelles les trains circulent encore. Le Thomas Cook – en fait deux volumes, l’un sur l’Europe et l’autre sur le reste du monde - m’a permis de savoir lesquels de ces trains prenaient des voyageurs. Il me fallait aussi connaître les jours de circulation, car dans certains endroits les trains ne passent qu’une fois par semaine. Je suis donc parti avec uniquement les pages du Thomas Cook qui m’intéressaient. En revanche, le plus contraignant, c’étaient de devoir partir avec des guides des différents pays visités. En effet il est difficile de les trouver hors d’Europe. Je m’en suis sorti avec des colis en poste restante.


Vous êtes d’abord passé par Budapest…

Philippe Mélul : Je voulais prendre l’Orient-Express, un train mythique, même si ce ne sont plus les wagons d’antan. De plus, Budapest est une ville magnifique. Ensuite, j’avais le choix entre passer soit par le nord et la Russie, à bord du transsibérien, un autre train mythique, soit par le sud et l’Inde, un vrai pays de train. Le problème avec l’Inde, c’est qu’il est déjà difficile de s’y rendre, puis ensuite de le quitter car on ne peut traverser la Birmanie ni en train ni même par voie terrestre.

Le train Eastern & Oriental Express entre
Singapour et Butterworth
© Orient-Express Hotels (UK) Ltd

Les difficultés ont commencé en Chine…

Philippe Mélul : Ce n’est pas très facile de circuler en Chine. Du point de vue ferroviaire il y a beaucoup de trains. En revanche ce qui est difficile c’est l’achat de billet et la réservation. Quand on est étranger, il y a à la fois la barrière de la langue et les difficultés administratives. Une horreur! On est renvoyé de guichet en guichet. Certains ferment même lorsqu’ils voient des étrangers ! J’ai du parfois recourir à des vendeurs au noir, m’asseoir sur le bureau du chef de gare pour qu’il se décide à me donner un billet.

A la frontière vietnamienne, avec un visa pourtant en règle, j’ai du soudoyer un douanier pour entrer. J’ai ensuite pris l’avion pour l’Australie. J’ai voyagé pendant deux jours et demi à bord de l’Indian Pacific. En Nouvelle-Zélande, mon étape suivante, j’ai emprunté des trains magnifiques, parmi les plus beaux que j’ai pris, avec partout la vue sur la mer et les montagnes.


Après la visite de l’Océanie, vous avez pris un avion pour Alexandrie. Votre route vous a conduit à bord du «train de tous les dangers».

Philippe Mélul : Le train du Négus, qui va de Djibouti à Addis-Abeba, mérite en effet ce surnom. Il est complètement déglingué. Les carreaux sont cassés, les toilettes inexistantes. Sur le sable, on a l’impression d’être dans un avion traversant une zone de turbulence. On peut dérailler d’un moment à l’autre, et ce d’autant plus que les rails sont tordus. En plus, le train est régulièrement attaqué par des bandits. On s’est retrouvé bloqué dans le désert car le moteur est tombé en panne. On a attendu toute la nuit sans manger ni boire. J'ai fini par me faire racketter à la douane suivante...

Plus tard, en Zambie, un pays qui détient probablement le record des déraillements, j’ai du attendre un train dix-sept heures… En Afrique comme en Amérique latine, les contacts avec la population sont souvent chaleureux mais il faut parfois se battre pour avoir un coin de place.


Au Chili, vous vous rejoué une scène de Tintin dans Le temple du soleil, lorsque les wagons se sont décrochés de la locomotive…

Philippe Mélul : Dans le train on ne s’en est pas tout de suite aperçu. Des contrôleurs un peu agités partaient tous vers l’avant. En arrivant dans le premier wagon, on pouvait ainsi constater qu’il n’y avait plus de locomotive. Heureusement nous étions sur du plat.


Le Nariz del Diablo (le nez du diable), en Equateur, vous a marqué…

Philippe Mélul : C’est un train mythique. Il faut l’imaginer partir à l’assaut de la cordillère des Andes, quitter le Pacifique pour arriver à 3.000 mètres d’altitude. Pour y parvenir il fait de grands zigzags, monte dans un cul-de-sac, repart ensuite en arrière puis en marche avant, afin de monter ainsi en palier. Pour les manœuvres, le conducteur est aidé par les contrôleurs installés sur le toit du train.

Royal Scotsman
© Orient-Express Hotels (UK) Ltd

Avez-vous souvent utilisé des trains « touristiques » ?

Philippe Mélul : J’ai voyagé dans des trains touristiques mais pas dans des trains de luxe. D’une manière générale les trains en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux Etats-Unis sont très confortables et visent d’abord les touristes. J’ai notamment traversé les Etats-Unis par la côte Ouest.

Les trains de la compagnie Amtrak m’ont changé du Nariz del Diablo. Tout est climatisé et on ne peut même pas ouvrir les vitres. Les fauteuils sont ultra-larges. On peut y admirer les paysages dans des wagons panoramiques. Cela permet aussi de rencontrer une Amérique plus populaire que celle qui voyage en avion. On y trouve beaucoup de retraités qui veulent refaire le trajet des pionniers.

L’un des deux étages du train, celui du bas, est réservé aux handicapés. En fait, ce vocable vise surtout les nombreux obèses qui voyagent en train. Il m’a ensuite fallu trois jours à bord de la transcanadienne pour rejoindre l’ouest à l’est du Canada.


Avez-vous constaté une évolution de l’activité ferroviaire ces dernières années dans les régions que vous avez parcouru ?

Philippe Mélul : Sur l’Amérique du Sud notamment, il y a eu beaucoup de suppressions de lignes ferroviaires. En Argentine et en Bolivie par exemple, il n’y a plus aucun train. Il n’en reste plus qu’un au Chili. Les réseaux ne sont pas assez rentables. L’Etat se désengage des compagnies de chemins de fer. Parfois, certains entreprises de tourisme s’investissement comme l’Orient Express avec son train de luxe sur le Machu Picchu. Mais c’est une exception. Il n’y a guère qu’en Asie, surtout en Chine ou en Iran, où l’on construit encore des nouvelles lignes de trains.

© oopartir 2008 - Pierre Marka



Les trains de luxe dédiés au tourisme
Le plus célèbre des trains de luxe est sans aucun doute le Venice Simplon Orient Express, lequel relie Londres à Istanbul ou Venise, en passant par l'Europe centrale. La même compagnie gère le fameux Royal Scotsman en Ecosse, le Eastern and Oriental Express de Bangkok à Singapour, et le Great South Pacific Express de Sydney à Cairns en Australie. En revanche, c’est une société américaine qui gère l'American Orient Express. Parmi les autres trains de grand luxe, il faut citer le luxueux Transcantabrico en Espagne.

En Afrique australe, les deux plus connus sont le Blue Train qui va de Prétoria au Cap, en passant par les chutes Victoria (Zimbabwe), tout comme le Rovos Rail, lequel se rend également à Dar-es-Salaam en Tanzanie. Au Mexique, on peut citer le South Orient Express, l’Expresso Maya, le Chihuahua al Pacifico et le Sierra Madre Express, ainsi que les trains de la compagnie Native Trails.

Venice Simplon-Orient Experss en Autriche
© Orient-Express Hotels (UK) Ltd

Les principaux réseaux dans le monde
Parmi les principaux réseaux de train dans le monde, citons Amtrak et Alaska Railroad aux Etats-Unis. Au Canada, outre la transcanadienne, on signalera aussi Via Rail, le Montagnard des Rocheuses, le Canadien et le Pacific Peaks and Panoramas. De nombreux trains traversent l'Inde, dont l'Indian Railways.

Les trains touristiques en France
On trouve des trains touristiques dans toutes les régions de France. Dans le sud de l’Hexagone par exemple, on peut citer le Train jaune de Villefranche-de-Conflent à Latour-de-Carol, le Cévenol de Langogne à Langeac, le Train de la Côte Bleue de Marseille à Miramas-le-Vieux, le Train des Pignes de Nice à Digne-les-Bains, et le Train des Merveilles de Nice à Tende, sans oublier le Trinichellu de Calvi à Ajaccio, en Corse.

Pratique
Le guide Thomas Cook se vend dans quelques agences de change Thomas Cook en France. En revanche, on le trouve beaucoup plus facilement en Angleterre, dans de nombreuses librairies.

En savoir plus
Philippe Mélul a aujourd'hui créé avec sa femme son agence de voyages. Son site : www.altiplano.org

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