Martinique : un mémorial pour ne jamais oublier (vidéo)
Au sud de l’île de la Martinique, Cap 110 est un mémorial consacré à l'esclavage érigé à l'Anse Caffard. Une œuvre monumentale réalisée par l’artiste plasticien Laurent Valère. La maison du bagnard est toute proche, face au rocher du Diamant.
Le 8 avril 1830, vers midi, un bateau effectue d’étranges manœuvres au large du rocher du Diamant en Martinique. Vers 5 heures de l’après-midi, le navire décide de jeter l’ancre dans les parages de l’Anse Caffard (où résida le colon Jean Caffard).
François Dizac, l’intendant de l’Habitation de la plage du Diamant se rend compte du danger couru par le navire. Une houle très forte l’empêche de mettre une pirogue à la mer pour prévenir le capitaine du péril imminent d’être jeté sur la côte. Il doit se borner à faire des signaux que le capitaine ne peut distinguer.
A 23 heures, des cris et des craquements sinistres déchirent la nuit. Dizac et un groupe d’esclaves de l’Habitation, se rendent immédiatement sur les lieux pour découvrir une vision d’horreur. Ils aperçoivent le bateau disloqué sur les rochers, avec ses passagers, pris dans la terrible furie de la mer déchainée.
Les sauveteurs distinguent alors le mât de misaine, surchargés d’individus affolés se briser et entraîner définitivement dans l’écume et les rochers un grand nombre de personnes. Le bateau dont le nom et la nationalité ne sont pas établis en l’état actuel des recherches historiques fut entièrement anéanti.
Le lendemain, le 9 avril, à l’aube, 46 cadavres furent repêchés. Les corps des marins-négriers furent inhumés au cimetière du Diamant et les noyés africains à quelque distance du rivage. Quatre-vingt-six captifs, vingt-six hommes et soixante femmes furent donc sauvés et recueillis par Dizac et les esclaves de son atelier, avant d’être transférés à Fort-de-France.
Les rescapés étaient tous d’origine africaine. Six blessés, dont l’état ne permettait pas le transport furent laissés provisoirement sur l’habitation d’un homme de couleur libre aveugle, nommé Borromé, dont on retourne la descendance à l’Anse Cafard.
Mémoire des victimes
Diamant
Le monument réalisé par Laurent Valère est orienté au cap 110°, en direction du golfe de Guinée, d’où venait ce navire mystérieux. Il a été érigé en mémoire des victimes inconnues de la traite et en invitation à la fraternité entre les hommes. Avec ses 15 statues monumentales de 2,5 mètres de haut et de 4 tonnes chacune, la forme triangulaire de l’œuvre fait référence au commerce et au trafic d’êtres humains du même nom.
«La couleur blanche est la couleur traditionnelle des sépultures dans la Caraïbe. Elle marque la dimension funéraire de ces lieux où les corps des captifs Africains reposent» souligne Laurent Valère. Tous les 22 mai (fête de l’abolition de l’esclavage à la Martinique) des manifestations populaires s’y déroulent.
Laurent Valère devant son oeuvre
À la Toussaint, les Martiniquais illuminent le monument, en souvenir des disparus. Artiste plasticien autodidacte né en 1959 en Martinique, Laurent Valère est aussi l’auteur de l’imposante sculpture sous-marine immergée intitulée « Manmandlo » dans la baie de Saint-Pierre. Pour la petite histoire, Mamiwata, Simbi, Yémaya ou Manmandlo sont des divinités marines qui traditionnellement accompagnent la vie et le travail des pêcheurs et des marins de l’île.
Yémaya est aujourd’hui une sirène monumentale constituée de trois éléments séparés posés sur le sable à 9 m de profondeur non loin de Manmandlo. L'ensemble est en béton armé et mesure 12 m de long pour un poids total de 37 tonnes. Ces premières œuvres artistiques s’inscrivent dans le futur parc de sculptures sous-marines de la ville de Saint-Pierre. Elles sont une invitation au respect de la mer et un hommage à la femme.
La maison du bagnard
la maison du bagnard
Un peu plus loin sur la route en direction du panorama qui offre une vision à 180° sur le scintillant rocher du Diamant, la maison du bagnard se présente comme une adorable petite case aux couleurs vives et chatoyantes face à l’immensité de l’Atlantique.
Edifiée dans les années 60, cette célèbre maison se caractérise par sa petite taille hors-normes et son architecture particulière. Au pied du morne Larcher, avec pour toile de fond la mer des Caraïbes et le rocher du Diamant, elle arbore fièrement ses façades chatoyantes. En observant de près cette minuscule construction, il est difficile d’imaginer que son concepteur l’ait habitée pendant plusieurs années.
Cette maisonnette aux allures de cabane de jardin est due au génie inventif de Médart Aribot, fils d’une Martiniquaise et d’un Congolais. Né en 1901, il était doté d’un tempérament discret, voire taciturne, mais avait un véritable don pour les activités artistiques en particulier la sculpture.
L’histoire locale raconte qu’il aurait été envoyé au bagne pour avoir sculpté l’effigie du colonel de Coppens, propriétaire de la distillerie de Dizac et candidat aux élections municipales de 1925. Le buste fut brandi par la foule au cours d'une émeute électorale pendant laquelle dix personnes furent tuées, dont le colonel Coppens.
au Sunset
En 1933, soit huit ans plus tard, Médard fût condamné au bagne à perpétuité en raison de cette action restée dans les mémoires de la société coloniale et de plusieurs autres petits vols. Cette condamnation extrêmement sévère entraina son envoi en Guyane où il fut incarcéré dans des conditions épouvantables. Après la fermeture du bagne en 1946, Médard s’installa près de Saint-Laurent-du-Maroni où il fabriqua et vendit des jouets et des statuettes.
En 1953, il fût rapatrié à sa demande en Martinique où il reprit sa vie de sculpteur solitaire. Il est mort dans l’oubli en 1973. Menacée de disparition et récemment de détérioration, la maison du bagnard a fait l’objet de plusieurs projets de sauvegarde dont des travaux de rénovation et de consolidation, réalisés notamment grâce au concours des fonds européens.
En savoir plus sur l’artiste Laurent Valère Consultez le site www.laurentvalereartstudio.com
Aller en Martinique Au départ de Paris-Orly, Air France, arrivée à l’aéroport international Aimé Césaire au Lamentin près de Fort de France.
Où dormir Diamant les Bains, une résidence hôtelière 4 étoiles Entièrement rénové en 2018, l’établissement s’est transformé en un hôtel de luxe 4 étoiles. Une halte idéale pour rayonner sur la commune du Diamant. www.diamantlesbains.fr
Où passer une bonne soirée Le Sunset, « the place to drink » à Fort de France